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versé sur les allées, offrait partout une moelleuse promenade. Ce jardin, immense d'ailleurs, promettait un
paradis au printemps.
Les deux amis étaient arrivés à l'extrémité. Ils virent que la clôture était une haute muraille dont un pan tout
entier s'était écroulé sous la morsure de la gelée et le poids des lierres séculaires qui s'y étaient accrochés. Il y
avait là une brèche que des ouvriers s'apprêtaient à réparer.
Espérance ayant témoigné son étonnement.
 Monseigneur, dit le jardinier, ce mur menaçait ruine depuis longtemps, mais on le respectait à cause des
beaux lierres. Il s'est écroulé il y a deux jours seulement. Pour le réparer, il eût fallu entrer chez M. Zamet, qui
habite de l'autre côté, Or, M. Zamet est absent, et ses gens, un peu jaloux de la maison de monseigneur, n'ont
pas permis l'entrée à nos ouvriers. Mais on attend, disent-ils, M. Zamet, qui revient ce matin avec le roi, et
sans doute il permettra.
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La belle Gabrielle, vol. 2
 Je me charge d'obtenir sa permission, dit Crillon, et la brèche sera fermée demain. Dans tous les cas, une
communication avec Zamet n'est pas bien dangereuse. Il craint les voleurs autant que nous.
 Oh! monsieur! répliqua le jardinier, on le dit bien riche, mais il ne peut pas l'être autant que monseigneur.
 Bon, murmura Espérance en revenant vers la maison, voilà que je vais détrôner l'homme aux dix-sept cent
mille écus.
 Mon cher ami, lui dit Crillon, peut-être y a-t-il plus d'écus chez Zamet. Mais ici, cela sent la jeunesse,
l'amour et l'art. La maison de Zamet est un coffre-fort, soit; la vôtre est un écrin. Quand vous voudrez séduire
une femme, faites-lui voir cette maison-là; jamais on n'aura vu ce que vous réunissez ici... Ah! interrompit-il
j'ai vu, moi, autrefois, une certaine chambre...
 Plus belle que celles-ci? demanda naïvement Espérance.
Crillon répondit par un coup d'oeil et un silencieux sourire.
Ils passaient à ce moment devant l'aile du rez-de-chaussée, longue et haute galerie dont toutes les fenêtres et
les volets étaient soigneusement fermés. Espérance y attacha machinalement sa vue rassasiée de tant de
merveilles.
Un valet parut et offrit au jeune homme une clé nouvelle sur un bassin d'argent doré.
 Qu'est-ce encore? dit Espérance.
 Monseigneur voudra certainement visiter son cabinet de méditation, répliqua le serviteur en indiquant une
porte de citronnier incrustée d'ébène.
 Nous n'avons pas vu de ce côté, dit Crillon.
Espérance mit la clé dans la serrure.
Le serviteur salua et disparut.
A peine la porte était-elle ouverte, qu'un délicieux parfum d'aloès envahit jusqu'au vestibule où s'étaient
arrêtés les deux amis. Espérance souleva une portière, et ne put retenir un cri de surprise.
Il voyait une vaste salle à boiseries et à colonnettes de cèdre, meublée de fauteuils en frêne sculpté d'un travail
bizarre et prodigieux; un lustre de cristal de Murano, à fleurs de verre rose, bleu, jaune et blanc, où brûlaient
des cires de pareilles couleurs, des tapisseries inestimables, des tableaux de Bellini, de Giorgion et de Palma le
Vieux, des tables d'ébène incrustées d'ivoire, un dressoir garni d'aiguières et de plats d'or ciselé. Toute cette
féerie illuminée avait ravi Espérance, qui rayonnait de joie et d'admiration. Mais lorsqu'il voulut faire partager
ces sentiments à Crillon, il le vit pâle et tremblant tomber sur un fauteuil, les yeux dilatés, fixes, la sueur au
front, comme s'il s'attendait à voir la muraille s'ouvrir en face de lui pour donner passage à une ombre.
 Qu'avez-vous, chevalier? s'écria-t-il; est-ce donc cette admirable Diane au bain, signée Giorgion? est-ce
cette Madone de Jean Bellini, ou cette Suzanne de Palma qui vous écrasent?
Crillon respirait à peine et ne répondait pas.
 Vous avez vu, disiez-vous, une belle chambre. Valait-elle ceci?
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La belle Gabrielle, vol. 2
Crillon se leva, promena un regard enivré sur tout ce qu'il voyait. Un soupir pareil à un sanglot s'échappa de sa
poitrine en la déchirant.
 Dans celle que j'ai vue, murmura-t-il, était un trésor qui n'est pas ici et qui ne se retrouvera pas sur la terre!
Sortons, sortons d'ici!
En disant ces mots d'une voix entrecoupée, il s'acheminait à grands pas vers la porte. Soudain, se retournant
dans un brusque élan du coeur, il saisit Espérance entre ses bras et l'étreignit avec une tendresse passionnée.
 Adieu, dit-il, l'heure a passé. Le roi doit être de retour. Il m'attend. Adieu.
 Vous reviendrez, j'espère?
 Oh! oui, je reviendrai, balbutia Crillon, qui s'enfuit dans un trouble inexprimable, car il n'avait pu sans
frissonner et trembler comme un enfant retrouver vivant dans les meubles de cette chambre son poétique
souvenir de Venise.
Espérance, demeuré seul, s'étendit sur les coussins, cacha son front dans ses mains et se demanda si tout cela
n'était pas un rêve. Le feu pétillait dans l'âtre, les bougies se consumaient dans leurs girandoles, et quelques [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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